La Belgique s’est engagée à faire un rapport sur l’état des lieux de la mise en oeuvre de l’Agenda 2030 et des 17 objectifs de développement durable lors du High Level Political Forum (HLPF) en juillet 2017. Aussi, en tant que société civile, nous avons décidé de prendre l’initiative d’élaborer des propositions pour contribuer positivement au rapport. Selon la plateforme, ce rapport ne peut être un simple inventaire des initiatives et doit contenir suffisamment d’éléments politiques concrets : où en est la Belgique actuellement et dans quels domaines doit-elle s’améliorer ?
Ensemble avec la plateforme Perspectives2030 – une plateforme coordonnée par 11.11.11 et le CNCD-11.11.11 et constituée de représentants d’ONG de coopération au développement, d’organisations environnementales, de syndicats, de plateformes pour le développement durable, du réseau contre la pauvreté, des Conseils de la jeunesse et du mouvement des femmes – nous formulons les 10 propositions que voici pour le rapport.
1. Une approche holistique
Partant de la vision de l’Agenda 2030 et surtout des principes de base fondamentaux de cet agenda, la Belgique a pour mission de promouvoir une société durable. Les mesures proposées doivent respecter l’approche droits, l’universalité et la solidarité intergénérationnelle. Ceci implique d’élaborer un modèle reposant sur le lien entre les trois dimensions du développement durable : une économie au service d’objectifs sociaux, tenant compte des limites de la planète.
2. Un point de vue transformatif
La politique du « business as usual » n’est plus une option. Il faut une volonté politique pour proposer des mesures visant des solutions à long terme. Il est souvent plus séduisant d’obtenir un bénéfice à court terme (cf. discussions relatives à l’utilisation des ressources et au déni climatique). Pour que les mesures prises en Belgique puissent effectivement contribuer à la réalisation des objectifs partout dans le monde, notre pays doit respecter ses engagements internationaux mais également accorder la priorité aux objectifs de développement durable qui sont les plus « transformatifs » pour la Belgique.
3. Un équilibre entre politique interne et externe
L’Agenda 2030 reconnaît que chaque pays est confronté aux mêmes défis et que les politiques nationale et internationale doivent agir en fonction de cet agenda commun. Toutefois, cet agenda comporte également le risque que les ODD présentent tous les pays, et même les pays riches, comme des pays en voie de développement et contribuent à ce que les pays riches se focalisent sur leur propre développement durable et se détournent des problèmes du reste du monde. La Belgique ne doit pas tomber dans ce piège. Nous constatons que systématiquement, les pays en voie de développement sont plus durement touchés par les défis mondiaux. Par exemple, les conditions climatiques extrêmes ont un effet déstabilisant sur la production alimentaire, elles aggravent l’accès à l’eau potable et elles font obstacle à des services vitaux comme les soins de santé. C’est pourquoi il est crucial que la dimension externe soit inscrite dans la mise en œuvre de l’Agenda et plus particulièrement dans le rapport.
4. Une politique cohérente pour le développement durable
Toute décision politique doit être imprégnée du principe fondamental de ne pas causer de tort à autrui (“do no harm”). De plus, chaque mesure doit participer à la réalisation des objectifs de développement durable, compte tenu des liens à établir entre les différents objectifs et ciblant les défis mondiaux. Seule une volonté politique réelle permettra l’efficacité des mécanismes de cohérence. Pour pouvoir réaliser l’Agenda 2030, il convient d’examiner si les politiques sont réellement cohérentes pour le développement durable. Dans ce cadre, l’un des éléments essentiels est l’intégration des objectifs de développement et des principes de l’Agenda 2030 dans un processus d’analyse de l’impact de la réglementation sur le développement durable (et donc une réforme du processus AIR) et ce, au niveau interfédéral.
5. Une lutte contre les inégalités
Pour éliminer les inégalités, nous demandons à l’administration belge d’œuvrer à une répartition équitable et à une égalité d’accès aux moyens, aux opportunités et à la participation. La redistribution des moyens va de pair avec la redistribution du pouvoir (participation démocratique des individus au processus décisionnel). À cet effet, nous demandons à l’administration d’introduire et de suivre, dans tous les secteurs, les bons mécanismes pour éradiquer les inégalités (p.ex. égalité d’accès à l’enseignement, aux soins de santé, à un travail décent avec protection sociale, à une politique salariale, à l’égalité de salaire pour un travail équivalent, aux impôts progressifs, à un espace de participation,…). Et ce, pour tous les groupes de notre société : femmes, hommes, jeunes, immigrés, personnes handicapées,… quel que soit leur sexe, leur âge, leur origine ou leur lieu de résidence. Sans mesures politiques, stratégie ou mécanismes pour une redistribution équitable, seul un petit groupe profitera d’une croissance économique accrue.
6. La dimension de genre
Le développement durable ne va pas sans égalité de genre. La dimension de genre de l’Agenda 2030 va bien au-delà de la simple mise en œuvre de l’objectif cinq. Pour chaque objectif, il convient de tenir compte de l’égalité de genre et de l’autonomisation des femmes et des filles. Une analyse de genre de la mise en œuvre des ODD, en étroite collaboration avec les parties prenantes concernées, s’impose. Dans cette analyse et surtout dans la présentation de solutions et de stratégies, il importe de tenir compte des recommandations de la Commission de la Condition de la Femme des Nations Unies.
7. Les collaborations et la participation de tous
Tous les acteurs de la société civile (organisations non-gouvernementales, syndicats, universitaires, médias, jeunes…) doivent pouvoir participer à la réalisation de l’Agenda 2030. Tous doivent avoir l’opportunité d’exercer un rôle de vigilance. Ceci requiert une bonne circulation des informations, une ouverture et une certaine communication. Les échanges et la coopération entre les différents gouvernements (régionaux), ministères, administrations et parlements de Belgique doivent être optimisés. Mais avant tout, des mesures soutenues devront être prises pour garantir de profonds changements. La Belgique devrait donc profiter de cette année pour rendre les ODD visibles, y compris pour le grand public.
8. Les moyens ne doivent pas rester à la traîne
L’architecture financière internationale est confrontée à une série d’obstacles majeurs : évasion fiscale, subsides aux combustibles fossiles et aux industries non durables, absence de démocratie institutionnelle, non-respect des engagements internationaux comme la contribution à l’aide publique au développement, etc. Les Nations Unies estiment le coût supplémentaire de la réalisation de l’Agenda 2030 à 2500 milliards de dollars. Outre les engagements limités pris lors de la conférence d’Addis-Abeba, une réelle volonté de financement doit être mobilisée. Des réformes fiscales devraient être mises en œuvre dans tous les pays, à commencer par la Belgique. Nous appelons également le gouvernement belge à utiliser à nouveau la trajectoire de croissance vers les 0,7% du PIB en faveur de l’aide au développement, et à minimiser l’impact des restrictions budgétaires belges sur la solidarité avec la population des pays en voie de développement.
9. Des indicateurs pertinents
La Belgique doit adopter et développer ses propres indicateurs pour pouvoir suivre et évaluer la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Les indicateurs globaux des Nations Unies , les indicateurs existants de développement durable et les indicateurs visant à mesurer la prospérité en dehors du PIB, peuvent inspirer ce processus. La première ébauche d’évaluation du Bureau du Plan est insuffisante. Un trop grand nombre d’éléments sont négligés, en particulier les efforts à l’égard d’autres pays . Par ailleurs, pour toutes les matières liées aux personnes, ils doivent être complétés par des indicateurs de genre et/ou par des données ventilées par sexe, ainsi que par l’effet sur la jeunesse. De surcroît, une évaluation qualitative s’impose. Elle doit reposer sur la concertation et la participation des organisations civiles et sur l’implication démocratique des parlements.
10. Le rapport comme point de départ pour les 15 prochaines années
Le National Voluntary Review 2017 doit être considéré comme le document de référence : un point de départ pour les progrès que la Belgique réalisera pour atteindre les ODD. Il indiquera également le niveau d’ambition de la Belgique. Aucun pas en arrière n’est souhaitable (le principe de “no regress”). La Belgique devra indiquer la façon dont elle souhaite réaliser les 17 objectifs en 2030 (trajectoire d’amélioration). Une autre référence est le dossier ODD qui a été rédigé par la société civile et grâce auquel elle continuera d’exercer sa vigilance.
*Sensoa est membre du platforme Perspective2030.
1. Une approche holistique
Partant de la vision de l’Agenda 2030 et surtout des principes de base fondamentaux de cet agenda, la Belgique a pour mission de promouvoir une société durable. Les mesures proposées doivent respecter l’approche droits, l’universalité et la solidarité intergénérationnelle. Ceci implique d’élaborer un modèle reposant sur le lien entre les trois dimensions du développement durable : une économie au service d’objectifs sociaux, tenant compte des limites de la planète.
2. Un point de vue transformatif
La politique du « business as usual » n’est plus une option. Il faut une volonté politique pour proposer des mesures visant des solutions à long terme. Il est souvent plus séduisant d’obtenir un bénéfice à court terme (cf. discussions relatives à l’utilisation des ressources et au déni climatique). Pour que les mesures prises en Belgique puissent effectivement contribuer à la réalisation des objectifs partout dans le monde, notre pays doit respecter ses engagements internationaux mais également accorder la priorité aux objectifs de développement durable qui sont les plus « transformatifs » pour la Belgique.
3. Un équilibre entre politique interne et externe
L’Agenda 2030 reconnaît que chaque pays est confronté aux mêmes défis et que les politiques nationale et internationale doivent agir en fonction de cet agenda commun. Toutefois, cet agenda comporte également le risque que les ODD présentent tous les pays, et même les pays riches, comme des pays en voie de développement et contribuent à ce que les pays riches se focalisent sur leur propre développement durable et se détournent des problèmes du reste du monde. La Belgique ne doit pas tomber dans ce piège. Nous constatons que systématiquement, les pays en voie de développement sont plus durement touchés par les défis mondiaux. Par exemple, les conditions climatiques extrêmes ont un effet déstabilisant sur la production alimentaire, elles aggravent l’accès à l’eau potable et elles font obstacle à des services vitaux comme les soins de santé. C’est pourquoi il est crucial que la dimension externe soit inscrite dans la mise en œuvre de l’Agenda et plus particulièrement dans le rapport.
4. Une politique cohérente pour le développement durable
Toute décision politique doit être imprégnée du principe fondamental de ne pas causer de tort à autrui (“do no harm”). De plus, chaque mesure doit participer à la réalisation des objectifs de développement durable, compte tenu des liens à établir entre les différents objectifs et ciblant les défis mondiaux. Seule une volonté politique réelle permettra l’efficacité des mécanismes de cohérence. Pour pouvoir réaliser l’Agenda 2030, il convient d’examiner si les politiques sont réellement cohérentes pour le développement durable. Dans ce cadre, l’un des éléments essentiels est l’intégration des objectifs de développement et des principes de l’Agenda 2030 dans un processus d’analyse de l’impact de la réglementation sur le développement durable (et donc une réforme du processus AIR) et ce, au niveau interfédéral.
5. Une lutte contre les inégalités
Pour éliminer les inégalités, nous demandons à l’administration belge d’œuvrer à une répartition équitable et à une égalité d’accès aux moyens, aux opportunités et à la participation. La redistribution des moyens va de pair avec la redistribution du pouvoir (participation démocratique des individus au processus décisionnel). À cet effet, nous demandons à l’administration d’introduire et de suivre, dans tous les secteurs, les bons mécanismes pour éradiquer les inégalités (p.ex. égalité d’accès à l’enseignement, aux soins de santé, à un travail décent avec protection sociale, à une politique salariale, à l’égalité de salaire pour un travail équivalent, aux impôts progressifs, à un espace de participation,…). Et ce, pour tous les groupes de notre société : femmes, hommes, jeunes, immigrés, personnes handicapées,… quel que soit leur sexe, leur âge, leur origine ou leur lieu de résidence. Sans mesures politiques, stratégie ou mécanismes pour une redistribution équitable, seul un petit groupe profitera d’une croissance économique accrue.
6. La dimension de genre
Le développement durable ne va pas sans égalité de genre. La dimension de genre de l’Agenda 2030 va bien au-delà de la simple mise en œuvre de l’objectif cinq. Pour chaque objectif, il convient de tenir compte de l’égalité de genre et de l’autonomisation des femmes et des filles. Une analyse de genre de la mise en œuvre des ODD, en étroite collaboration avec les parties prenantes concernées, s’impose. Dans cette analyse et surtout dans la présentation de solutions et de stratégies, il importe de tenir compte des recommandations de la Commission de la Condition de la Femme des Nations Unies.
7. Les collaborations et la participation de tous
Tous les acteurs de la société civile (organisations non-gouvernementales, syndicats, universitaires, médias, jeunes…) doivent pouvoir participer à la réalisation de l’Agenda 2030. Tous doivent avoir l’opportunité d’exercer un rôle de vigilance. Ceci requiert une bonne circulation des informations, une ouverture et une certaine communication. Les échanges et la coopération entre les différents gouvernements (régionaux), ministères, administrations et parlements de Belgique doivent être optimisés. Mais avant tout, des mesures soutenues devront être prises pour garantir de profonds changements. La Belgique devrait donc profiter de cette année pour rendre les ODD visibles, y compris pour le grand public.
8. Les moyens ne doivent pas rester à la traîne
L’architecture financière internationale est confrontée à une série d’obstacles majeurs : évasion fiscale, subsides aux combustibles fossiles et aux industries non durables, absence de démocratie institutionnelle, non-respect des engagements internationaux comme la contribution à l’aide publique au développement, etc. Les Nations Unies estiment le coût supplémentaire de la réalisation de l’Agenda 2030 à 2500 milliards de dollars. Outre les engagements limités pris lors de la conférence d’Addis-Abeba, une réelle volonté de financement doit être mobilisée. Des réformes fiscales devraient être mises en œuvre dans tous les pays, à commencer par la Belgique. Nous appelons également le gouvernement belge à utiliser à nouveau la trajectoire de croissance vers les 0,7% du PIB en faveur de l’aide au développement, et à minimiser l’impact des restrictions budgétaires belges sur la solidarité avec la population des pays en voie de développement.
9. Des indicateurs pertinents
La Belgique doit adopter et développer ses propres indicateurs pour pouvoir suivre et évaluer la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Les indicateurs globaux des Nations Unies , les indicateurs existants de développement durable et les indicateurs visant à mesurer la prospérité en dehors du PIB, peuvent inspirer ce processus. La première ébauche d’évaluation du Bureau du Plan est insuffisante. Un trop grand nombre d’éléments sont négligés, en particulier les efforts à l’égard d’autres pays . Par ailleurs, pour toutes les matières liées aux personnes, ils doivent être complétés par des indicateurs de genre et/ou par des données ventilées par sexe, ainsi que par l’effet sur la jeunesse. De surcroît, une évaluation qualitative s’impose. Elle doit reposer sur la concertation et la participation des organisations civiles et sur l’implication démocratique des parlements.
10. Le rapport comme point de départ pour les 15 prochaines années
Le National Voluntary Review 2017 doit être considéré comme le document de référence : un point de départ pour les progrès que la Belgique réalisera pour atteindre les ODD. Il indiquera également le niveau d’ambition de la Belgique. Aucun pas en arrière n’est souhaitable (le principe de “no regress”). La Belgique devra indiquer la façon dont elle souhaite réaliser les 17 objectifs en 2030 (trajectoire d’amélioration). Une autre référence est le dossier ODD qui a été rédigé par la société civile et grâce auquel elle continuera d’exercer sa vigilance.
*Sensoa est membre du platforme Perspective2030.