Comment s'est déroulé le voyage à El Salvador et qu’en retenez-vous ?
Ça a été un choc. En particulier, la peur que les gens ont du régime en ce qui concerne la liberté d’expression, qu'il s'agisse des prestataires de soins de santé, des patients ou du personnel enseignant. Cela montre bien que l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) est nécessaire. Les prestataires de soins affirment qu'ils disposaient des outils appropriés et qu'ils étaient prêts à les utiliser, mais que le régime les en a privés. C'est là que la communauté internationale devrait s'inquiéter, c'est là que les droits de l'homme sont bafoués. Le droit à l'éducation, qui signifie également le droit à l’EVRAS, a pour ainsi dire été aboli par le régime actuel. Les gynécologues confient qu'ils n'osent pas toujours aider leurs patientes. Toutefois, lorsque vous parlez avec le ministère concerné, il affirme que tout le monde reçoit de l’aide et ressort d'une consultation avec un plan de contraception.
Qu'avez-vous appris sur la santé maternelle ?
Les autorités clament haut et fort que des soins maternels sont prodigués, que les jeunes filles qui sortent de l'hôpital disposent d’un plan de contraception, mais si vous examinez l'Atlas de la contraception, vous constatez que seulement 4 femmes sur 10 y ont accès. Les prestataires de soins trouvent toujours une solution, en quelque sorte. Les préservatifs sont gratuits, mais il faut aller les chercher à la clinique. Ils ne sont donc pas accessibles et ce système n’est pas assez développé.
Que saviez-vous déjà, quelle est la situation à El Salvador ?
Je ne mesurais pas la gravité de la situation. Je mène moi-même des projets en Équateur, j'y ai déjà travaillé sur la santé et les droits sexuels et reproductifs et les gens n’ont pas peur d’en parler. En Équateur, bien que le droit à l'avortement existe, la contraception et l’EVRAS sont encore parfois taboues, en particulier dans les communautés quechua. Toutefois, ce qui différencie ces projets, c'est qu'on en parle ouvertement. Le climat de peur qui règne à El Salvador était pour moi un phénomène nouveau. Les autorités maintiennent les gens dans l'ignorance, prétextant qu'elles n'ont pas encore trouvé la bonne solution. On ne peut pas ignorer l’EVRAS jusqu’à ce qu’elle soit au point. . C'est un aspect qui pourrait être davantage mis en évidence dans notre pays, cette culture de la peur et du silence.
Comment s'est déroulée la réunion avec les parlementaires, qu'en avez-vous pensé ? Quels étaient les sujets abordés ?
L'opposition affirme que la culture du débat a complètement disparu, mais qu'elle fait de son mieux. Elle communique avec les ONG et veut vraiment changer les choses, mais le dialogue parlementaire est rompu. Il est intéressant de noter qu'elle suit de très près les procédures en cours à la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Il y a là une occasion à saisir, le jugement dans l'affaire Beatriz devant être prononcé cet automne. Beatriz était une jeune femme atteinte de lupus qui est tombée enceinte. La grossesse n'est pas compatible avec le lupus. Beatriz était enceinte de son deuxième enfant, qui s'est avéré ne pas être viable, et a demandé un avortement. On lui a refusé, mais après avoir protesté, elle a subi une césarienne. L'enfant est mort-né, et Beatriz, très affaiblie, a perdu la vie quatre ans plus tard. Cette affaire a été portée devant ce tribunal et El Salvador devrait être reconnu coupable ou, au moins, recevoir un blâme. La communauté internationale devrait profiter de l’occasion pour remettre cette question sur la table.
Comment pouvons-nous nous assurer que la coopération internationale repose sur les besoins locaux, et en avez-vous vu de bons exemples ? Qu'avez-vous pensé de la réunion entre les décideurs politiques et la société civile ?
J'ai vu et parlé à deux groupes qui sont vraiment puissants et bien organisés. Ils sont parfaitement conscients de leurs droits et de leurs possibilités, et bénéficient du soutien de l'Europe. Je suis convaincue que grâce au réseau qu'ils mettent en place auprès des femmes, ils peuvent faire la différence. Par exemple, nous nous sommes rendus dans une sorte de refuge pour les femmes ayant subi des violences sexuelles. Ils ont ce réseau, ils l'utilisent, et je crois en des projets très directs pour les populations locales. La communauté internationale peut, bien que discrètement, garder un œil là-dessus et apporter son soutien sans brusquer le régime. Ce genre d’endroit où les femmes peuvent se rendre pour recevoir une aide juridique et logistique et où elles se sentent soutenues est primordial.
Que ramènerez-vous de ce voyage d'étude au Parlement ?
Il est primordial que nous continuions à défendre les droits des femmes, les droits de l'homme, la santé et les droits sexuels et reproductifs, et que nous mobilisions toutes les ressources dont nous disposons à cette fin. Je trouve ça très fort que nous soyons réunis avec des membres de différents parlements, avec des tendances politiques complètement différentes pourtant, et que nous allions tous ensemble signer cette déclaration. Nous demandons que ces droits soient respectés et que l'avortement pour raisons médicales soit au moins autorisé. Mais aussi de réintroduire l’EVRAS pour les jeunes. Nous devons continuer à travailler avec des organisations proches de la population locale, mais aussi maintenir la pression sur la communauté internationale pour qu'elle respecte les conventions. Voilà ce que je ramène au Parlement.